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10/07/2007


Le Contrat Nouvelles Embauches
illégal pour la justice

La Cour d’appel de Paris a confirmé le jugement de première instance : le CNE est illégal, il doit être transformé en CDI. Il ne reste plus qu’une éventuelle saisie de la Cour de cassation pour retarder une échéance inéluctable : des milliers de travailleurs seront libérés de la précarité par la transformation immédiate et sans recours de leur CNE en CDI.

« Il est pour le moins paradoxal d’encourager les embauches en facilitant les licenciements » ; le CNE place les travailleurs « dans une situation comparable à celle qui existait antérieurement à la loi du 13 juillet 1973 dans laquelle la charge de la preuve de l’abus de la rupture incombait au salarié » ; « Cette régression va à l’encontre des principes fondamentaux du droit du Travail » : ce sont des extraits du verdict des juges de la Cour d’appel de Paris. Le CNE a été jugé par la Cour d’appel de Paris contraire au droit international et aux principes fondamentaux du droit du Travail. La Cour, dans ses attendus, le considère « contraire aux dispositions de la Convention de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) » et non applicable en l’espèce. Le CNE est qualifié de « régression » par la Cour, qui estime qu’il prive le salarié « de l’essentiel de ses droits » et que sa pertinence en matière de lutte contre le chômage est douteuse. La Cour statuait à la demande d’une salariée licenciée, soutenue par trois syndicats, la CGT, la CFDT et la CFTC. Une décision qui, espérons-le, fera jurisprudence.


Requalification en CDI

ELLE avait été jetée au chômage 1 mois après avoir été embauchée. La justice avait déjà tranché en sa faveur en première instance par le Tribunal des prud’hommes de Longjumeau (Essonne) en avril 2006. Son CNE sera requalifié en CDI de droit commun, a dit la Cour d’appel. Cette décision intervient après un long litige technique qui a repoussé le règlement de l’affaire après l’élection présidentielle, le gouvernement ayant fait valoir en vain que l’affaire ne relevait pas de la justice ordinaire, mais des tribunaux administratifs. Seule solution pour ceux qui refusent que les CNE soient transformés en emploi durable : la Cour de cassation. Cette décision de principe de la Cour d’appel ne pourra être annulée en effet que par la plus haute juridiction, uniquement si elle est saisie par l’employeur en cause dans l’affaire, un mandataire judiciaire, ou par le Parquet général de Paris. À l’audience, en juin, le Parquet général avait considéré que le CNE n’était pas contraire au droit international et estimé qu’il pouvait s’appliquer, les salariés gardant, selon lui, la possibilité de saisir la justice d’un licenciement « sans motif valable ». C’était aussi la position du gouvernement. La justice pourrait donc avoir sonné le glas, vendredi, du Contrat nouvelles embauches (CNE), introduit il y a 2 ans par le précédent gouvernement. Imaginé sur ordonnance en août 2005 par le gouvernement dirigé par Dominique de Villepin, le CNE permet aux petites entreprises de licencier sans motif pendant une période d’essai de 2 ans. Environ 900.000 salariés travaillent sous ce contrat, selon des chiffres officiels. Une étude officielle publiée au printemps 2006 montrait que seuls 10% des CNE signés correspondaient à de réelles créations d’emplois. La version applicable aux jeunes, le CPE (Contrat première embauche), a été abandonnée après une vague de manifestations de rue au printemps 2006. Pour la Cour d’appel de Paris, non seulement le CNE est contraire au droit international, mais également aux principes fondamentaux du droit du travail.


Le CNE est une « regression »


« Dans la lutte contre le chômage, la protection des salariés semble être un moyen au moins aussi pertinent que les facilités données aux employeurs pour les licencier. Il est pour le moins paradoxal d’encourager les embauches en facilitant les licenciements », conclut la Cour. La Cour d’appel souligne dans ses attendus que le CNE « prive le salarié de l’essentiel de ses droits en matière de licenciement, le plaçant dans une situation comparable à celle qui existait antérieurement à la loi du 13 juillet 1973 dans laquelle la charge de la preuve de l’abus de la rupture incombait au salarié ». « Cette régression va à l’encontre des principes fondamentaux du droit du Travail », ajoute la Cour. Les juges soulignent qu’aucun pays européen ne connaît de contrat de travail avec 2 ans de période d’essai. Elle cite la Convention de l’OIT qui prévoit qu’un travailleur ne devra pas être licencié « sans qu’il existe un motif valable lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise », de l’établissement ou du service. Le président Nicolas Sarkozy a annoncé l’ouverture à la rentrée prochaine d’une concertation avec les syndicats sur la réforme du droit du Travail, avec pour objectif un contrat unique qui remplacerait à la fois le traditionnel Contrat à durée indéterminée (CDI) et les formes d’emplois précaires. Le gouvernement Villepin avait expliqué l’institution du CNE par les effets attendus sur la relance de l’embauche. Pendant la campagne présidentielle, la candidate socialiste Ségolène Royal proposait l’abrogation du CNE tandis que Nicolas Sarkozy, après avoir proposé sa généralisation, avait modéré cette position.


Le CNE est illégal


Amplifier la précarité ne sert pas à lutter contre le chômage


Gageons que les négociations entre le gouvernement et les partenaires sociaux prendront en compte l’avancée qui vient d’être obtenue avec la chute probable du CNE. Un verdict qui, espérons-le, fera jurisprudence. À court terme, ce sont des milliers de travailleurs qui sortiront de la précarité du CNE pour avoir droit à un emploi durable.

Plusieurs enseignements peuvent être tirés du jugement de la Cour d’appel de Paris. Amplifier la précarité des contrats de travail pour s’adapter plus facilement aux évolutions de l’économie : l’application de cette idée ultra-libérale a du plomb dans l’aile. En effet, sauver le CNE est devenu une mission désespérée. Il ne reste plus comme issue que la Cour de cassation pour infirmer le jugement de la Cour d’appel. Or, la Cour de cassation « ne tranche que des questions de droit ou d’application du droit, elle ne juge pas les faits. Elle assure ainsi par sa jurisprudence une application harmonieuse des lois », écrit la plus haute juridiction sur son site. Le CNE est quasiment enterré. C’est une grande victoire dans la lutte contre la précarité et pour faire reculer une pensée unique selon laquelle ce sont avant tout les travailleurs qui doivent payer le prix des fluctuations de l’activité économique. Autrement dit, les travailleurs ne doivent pas être les seuls à subir les conséquences négatives de la flexibilité, ils ont le droit d’être protégés.


Une victoire de la mobilisation


Autre enseignement à tirer de ce verdict : amplifier la précarité n’est pas un moyen de lutter contre le chômage. C’est le message de la Cour d’appel : « Dans la lutte contre le chômage, la protection des salariés semble être un moyen au moins aussi pertinent que les facilités données aux employeurs pour les licencier. Il est pour le moins paradoxal d’encourager les embauches en facilitant les licenciements ». Cette victoire est le résultat d’une intense mobilisation syndicale. Le CPE a été tué dans l’œuf grâce à de puissantes manifestations dans la rue, le CNE est à l’agonie du fait d’une bataille juridique menée par les syndicats. Cette lutte pourra désormais très difficilement ne pas atteindre son objectif : faire respecter les droits des travailleurs, et donc leur dignité. C’est d’ailleurs le sens de la décision de justice : nul ne peut être licencié sans motif, c’est une atteinte à la dignité humaine. Quand ce verdict sera confirmé, il ouvrira un immense espoir pour près de 1 million de travailleurs en France et des milliers à La Réunion. Ils ne pourront plus être licenciés du jour au lendemain par un patron qui a cru pouvoir le faire impunément. Celles et ceux qui ont voulu profiter d’une sécurité juridique qui se révèle nulle maintenant sont pris à leur propre piège. Ces patrons comptaient sur le CNE pour en finir avec les revendications des travailleurs en les faisant vivre sous la menace constante de la privation d’emploi. Ils seront désormais obligés de transformer ces contrats ultra-précaires en emplois durables et ne pourront que se plier à une loi : celle du Code du Travail. C’est en d’autres termes ce que dit la Cour d’appel de Paris : les CNE doivent être requalifiés en CDI.


Inscrire de nouvelles garanties


Alors que s’ouvrent en France les négociations entre partenaires sociaux et gouvernement sur l’avenir des contrats de travail, gageons que ce verdict pèsera de tout son poids dans la balance. Dans l’élaboration d’un nouveau contrat entre le travailleur et son employeur, des propositions autres que la précarité existent. L’une des revendications des représentants des travailleurs est la mise en œuvre d’une sécurisation des parcours professionnels. Un nouveau type de rapport entre patron et salariés que Maryse Dumas, responsable CGT, décrivait dans "Le Monde" du 25 octobre 2004 : « Nous proposons une sécurité sociale professionnelle, c’est-à-dire des droits à une carrière, à la formation professionnelle, à la progression des salaires, au maintien du contrat de travail et du salaire en cas de suppression d’emploi. Ces droits seraient attachés à la personne du salarié, et progresseraient avec lui. Ils seraient garantis au plan interprofessionnel afin que chaque employeur soit tenu de les prendre en compte et de les respecter chaque fois que le salarié change d’emploi ». Face aux changements de plus en plus rapides de l’économie, les salariés ne sont pas les fusibles.


Tous les partenaires doivent discuter

d’une solution acceptable pour tous,

avec un objectif prioritaire :

lutter contre le chômage.